Avec la Clef Michelin, le Guide Michelin affiche ses ambitions dans l'hôtellerie

Juge de paix de la gastronomie mondiale, le Guide Michelin ambitionne de le devenir dans l'hôtellerie. Son directeur international, Gwendal Poullenec vient de dévoiler sa nouvelle stratégie du petit guide rouge, devenu un géant du lifestyle. À l'instar des restaurants, le Guide Michelin entend recommander en toute indépendance des établissements hôteliers qui constituent de véritables destinations. Après 4 ans de travail, le Guide propose une nouvelle sélection de plus de 5000 hôtels remarquables, répartis dans 120 pays. Au sein de cette nouvelle sélection, Le Guide Michelin créé la Clef Michelin, une distinction spéciale destinée à mettre en avant les établissements proposant les expériences hôtelières les plus exceptionnelles. Un premier pas vers la création d'un classement hôtelier. Interview.

Le Guide Michelin est connu et reconnu pour ses critiques gastronomiques, moins pour sa sélection hôtelière. Pourquoi allez-vous sur ce terrain de jeu ou de nombreux guides et sites de référencement existent déjà ?

Gwendal Poullenec : Nous travaillons sur le sujet depuis très longtemps. Le coup d'accélérateur a été l'acquisition, en 2018, de Tablet Hotels, une plateforme de réservation spécialisée dans la sélection et la réservation de boutiques-hôtels et d'hébergements de luxe très pointus. Cela a permis aux équipes d'affiner leurs connaissances en matière d'hôtellerie pour réaliser une sélection repensée et créer un service de réservation performant. Notre sélection hôtelière actuelle est le fruit de ses 4 ans de travail et d'une évolution naturelle de notre guide.

Depuis son lancement, en 1900, le Guide Michelin s'est adapté en permanence pour accompagner les voyageurs. En 1926, prenant conscience que le déplacement en voiture devient moins une " aventure " mais un voyage, le guide a intégré un classement des tables gastronomiques, les fameuses étoiles Michelin qui vont consteller, jusqu'à nos jours, l'histoire de la gastronomie française.

La restauration et l'expérience gastronomique sont alors devenues un motif de voyage en soi. Mais la table restait l'objectif, l'hébergement le moyen. Nous avions dès le départ une sélection hôtelière qui mixait des adresses pratiques et une sélection de beaux hôtels d'agrément choisis par le guide. Nous avons pris le virage digital pour la restauration avec un site et une application qui connaissent un succès croissant. Nos clients voulaient la même chose pour l'hôtellerie.

En 2019, Michelin a aussi acquis le guide des vins Robert Parker Wine Advocate. Y a-t-il des synergies envisagées avec la sommellerie ?

Gwendal Poullenec : Effectivement, ces deux acquisitions contribuent à renforcer la position de Michelin comme leader et référence internationale de l'hôtellerie, de la restauration et de la sommellerie. Nous travaillons pour améliorer en permanence notre offre de service au client. Donc on pourrait imaginer des combinaisons de services entre les différents guides. Mais il est encore un peu tôt pour en parler.

Le modèle économique de la sélection hôtelière est davantage basé sur l'affiliation. Cela va-t-il influencer les choix du Guide ?

Gwendal Poullenec : Comme pour la partie gastronomique, tous nos choix sont faits dans l'intérêt des clients. La sélection répond donc à des problématiques et des exigences éditoriales, en premier lieu. Notre offre hôtelière étant avant tout digitale, nous accompagnons le client dans l'étape du choix et de la réservation. Le modèle économique est un système de partenariat et d'affiliation classique, en ligne avec les pratiques du marché. C'est également un modèle que nous utilisons pour la partie restaurants puisque certains sont réservables directement sur des sites comme TheFork ou OpenTable.

Vous avez mis en place une équipe d'inspecteurs dédiée à la partie hôtelière ?

Gwendal Poullenec : Oui. Nous disposons d'une équipe spécifique d'experts hôteliers. Même s'il existe des passerelles entre la partie restaurant et hôtel. Le profil de nos " inspecteurs " est d'ailleurs le même que pour la partie gastronomique. Il s'agit de voyageurs invétérés, spécialistes des arts de vivre internationaux, des curieux toujours sur le qui-vive, à l'affût des nouvelles ouvertures ou tendances du secteur. Nos experts ont donc la charge de réaliser une sélection qui compte aujourd'hui près de 6 000 adresses exceptionnelles, réparties dans plus de 120 pays. Chaque adresse fait l'objet de recherches approfondies menées directement par les experts auprès des hôteliers : tous les éléments de l'hôtel, les services proposés, le soin porté au design et à la personnalité du lieu, sont ainsi passés en revue et évalués en vue de sa sélection. La décision de mettre en avant un hébergement est ensuite prise de manière collégiale par plusieurs experts puis l'hébergement sélectionné passe entre les mains des responsables éditoriaux qui traduisent en mots l'expérience proposée.

Dans un hôtel, beaucoup d'éléments restent difficilement appréhendables, comme le service ou l'ambiance.

Gwendal Poullenec : Au-delà de savoir évaluer les prestations et le niveau d'un hébergement, nos experts hôteliers sont de vrais professionnels de la veille et de l'observation. Ils s'appuient sur toutes les sources et ressources disponibles pour découvrir les meilleures adresses, comme les médias ou les réseaux sociaux. Ils peuvent également compter sur les informations de terrain que les inspectrices et inspecteurs du Guide Michelin parviennent à collecter au cours de leurs tournées gastronomiques.

Une fois l'adresse recommandée, consultable et réservable sur toutes les plateformes numériques du Guide, nous portons une attention particulière aux retours des clients pour maintenir la sélection d'un établissement. Si plusieurs avis négatifs sont émis, et motivés dans les réponses au questionnaire de satisfaction envoyé, nos experts hôteliers se réunissent et peuvent collégialement décider du retrait d'une adresse. Cette interaction collaborative et continue est d'autant plus importante qu'elle contribue à sa fiabilité et à son dynamisme. En effet, à la différence de chacun des restaurants recommandés par les inspecteurs, les 6 000 hébergements sont visités sur un rythme plus long que les restaurants.

Vous mettez en place un système de notation, la Clef Michelin, comme pour le Guide Gastronomique dont les célèbres Macarons font référence ?

Gwendal Poullenec : Les équipes du Guide Michelin choisissent de mettre en lumière auprès des voyageurs, les établissements qui placent l'art de recevoir au plus haut niveau et forgent des expériences absolument uniques. La Clef Michelin que nous venons de créer est une indication claire et fiable pour les voyageurs. De la même manière que les Etoiles Michelin distinguent les restaurants au sommet de leur art, la Clef récompensera les hôtels les plus exceptionnels à travers le monde. Cette distinction sera également une reconnaissance du travail mené en équipe par des professionnels engagés et passionnés de l'hôtellerie. Elle sera attribuée après un ou plusieurs séjours menés anonymement par nos équipes de sélection. Le premier palmarès de la Clef Michelin sera dévoilé au premier semestre 2024 et sera mis à jour annuellement. Nous verrons alors quelles hiérarchies nous pouvons établir.