flambée du cacao
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Depuis fin 2023, le prix de la tonne de cacao a connu une progression spectaculaire, atteignant désormais un sommet historique de 9 600 dollars contre près de 1 900 dollars fin mars 2023, soit une hausse sans précédent de 427%.

" Cette hausse du prix du cacao contraste avec l'évolution du prix du blé au cours des deux dernières années : après une progression de +56% en mars 2022, consécutive à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ce marché affiche désormais une baisse de -44% depuis le 1er janvier 2022 ", constate Stanislas Coquebert de Neuville, de Lazard Frères Gestion.

La progression vertigineuse du prix du cacao s'explique par une conjonction de facteurs parmi lesquels des événements climatiques extrêmes, une augmentation des coûts de production (énergie, engrais et main d'œuvre) ainsi qu'une demande en forte croissance, notamment en provenance de l'Asie.

Le Ghana et la Côte d'Ivoire, qui représentent près des deux tiers de la production mondiale de cacao, ont en effet été durement frappés par des conditions météorologiques défavorables. Les fortes pluies suivies de périodes très arides ont perturbé les récoltes, tandis que les maladies des cultures ont également affecté les producteurs d'Afrique de l'Ouest.

Cette crise d'approvisionnement et la flambée des prix qui en découle pourraient durablement impacter certaines entreprises du secteur alimentaire. Pour compenser cette forte progression, celles-ci devront faire passer des hausses de prix, changer la composition de leurs produits, ou encore réduire les quantités.

Il convient de rappeler qu'après l'invasion de l'Ukraine – l'un des principaux producteurs mondiaux de blé – par la Russie, la hausse du prix du blé a été bien moindre comparée à celle enregistrée par le cacao. Ces fluctuations contrastées témoignent de la complexité et de la volatilité des marchés des matières premières, soumis à des facteurs aussi divers que les tensions géopolitiques, les variations de la demande et, de plus en plus, les événements climatiques.

" Un resserrement de l'offre et de la demande s'est transformé en une véritable folie spéculative, sur un marché habituellement petit et négligé, pas assez important pour être inclus dans l'indice de référence Bloomberg Commodity Index, qui compte 24 actifs ", explique Ben Laidler, Global Markets Strategist pour eToro.

C'est maintenant la 5ème matière première la plus détenue sur la plateforme eToro avec une croissance de 150% du nombre de détenteurs au cours du dernier mois. Ces hausses de prix sont habituelles dans le secteur des matières premières et conduisent souvent à un effondrement des prix (voir le graphique). Mais les prix élevés du cacao peuvent durer et les consommateurs ont à peine commencé à les ressentir.

Ces reprises fulgurantes sont habituelles dans le secteur des matières premières et rappellent qu'il s'agit de l'une des classes d'actifs les plus volatiles, avec une volatilité annualisée de 18 % au cours de la dernière décennie, contre 5 % pour les obligations, 7 % pour les monnaies et 15 % pour les grandes capitalisations américaines.

Récemment, nous avons assisté à des hausses spectaculaires similaires pour le jus d'orange, le blé, le gaz naturel et le lithium, pour n'en citer que quatre.

La grande question est de savoir ce qui va se passer ensuite. Les prix chutent généralement car la "solution aux prix élevés est la hausse des prix", l'offre étant encouragée et la demande freinée. Sinon, les goulets d'étranglement de l'offre se résorbent.

C'est ce qui s'est passé pour le blé, le lithium et le gaz naturel, mais pas pour le jus d'orange, car les problèmes d'approvisionnement subsistent. Et le jus d'orange est le parallèle le plus proche du cacao.

flambée de cacao
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Les prix du chocolat à la consommation vont maintenant grimper en flèche à mesure que les stocks de cacao à bas prix seront écoulés. L'inflation des sucreries n'est que de 5 % aux États-Unis et de 9 % au Royaume-Uni, contre 230 % pour le cacao. Les producteurs comme Hershey et Nestlé peuvent ajuster leurs recettes (moins de cacao) et leurs emballages (rétrécissement) pour amortir le choc. Mais les consommateurs mangeront moins de chocolat et plus de substituts (oursons en gomme ?).

Les plus gros consommateurs sont les Suisses et les Allemands, avec plus de 8 kg par an. L'offre restera serrée, compte tenu de sa concentration (Ghana et Côte d'Ivoire), de la prochaine récolte qui n'aura lieu qu'en octobre, et du fait que les nouveaux arbres mettent cinq ans à mûrir, avec les contraintes sous-jacentes (produit artisanal, lois sur le travail des enfants).