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Social trading, copy trading, mirror trading... Les influenceurs sur les réseaux sociaux prônent de nouveaux modes d'investissement sur les marchés financiers pour attirer de jeunes néophytes en arguant de la facilité d'exécution et des gains rapides potentiels à la clé. Face à la demande d'informations et aux promesses de richesse rapide ou d'indépendance financière, l'offre foisonne. Des dizaines de chaînes YouTube, des centaines de comptes Twitter ou Instagram promettent, que ce soit des conseils, des formations, ou des techniques infaillibles pour faire fortune grâce au trading.

Loin des loups de Wall Street, de nombreux investisseurs se laissent notamment tenter par le social trading, autrement appelé le copy-trading, qui consiste à copier automatiquement et en temps réel les positions prises par un trader ou une stratégie (on parle alors de mirror trading). Pour connaître les impacts sur les marchés de ces nouvelles formes d'influence, fin juin, le Conseil scientifique de l'AMF s'est penché sur la question du "Trading des particuliers et de la gamification."

Lasse Pedersen, de la Copenhagen Business School, y a expliqué que l'on observe des phénomènes d'amplification des mouvements de marché (effet momentum, bulles) et de retard de leur correction (effet value) qui ne trouvent pas d'explication dans la représentation classique et rationnelle des marchés et sont liés au développement du trading des particuliers et au recours aux réseaux sociaux. Selon l'auteur, les réseaux sociaux ne rendent pas nécessairement les marchés moins efficients car ils améliorent aussi la communication d'informations pertinentes. Mais la "gamification du trading", c'est-à-dire la formation d'opinions non informées associée à des interactions sociales propres à les diffuser, constitue désormais un élément essentiel de la formation des prix de marché.

Une analyse partagée par Marie-Hélène Broihanne, de l'Université de Strasbourg, qui a dévoilé les premiers résultats d'une expérience en laboratoire menée avec le soutien de l'AMF, centrée sur la gamification du trading des particuliers, caractérisée par l'usage de techniques de marketing - typiquement des mécanismes de récompense et de mise en concurrence entre eux. L'objectif était d'en tester les effets sur le comportement des investisseurs particuliers, en l'occurrence des panels d'étudiants, pour identifier les biais comportementaux pouvant être exploités par les intermédiaires de marché dans leurs applications de trading, que ce soit pour inciter les investisseurs à négocier ou orienter leurs investissements.

L'expérience souligne la différence des biais d'investissement selon le sexe, et la matérialité des effets des stimuli sous forme de badges de réussite, et à un moindre degré sous forme de rétributions "hédoniques" (confettis, encouragements). Les travaux sont amenés à se poursuivre, notamment pour préciser la mesure des effets selon les caractéristiques des individus (y compris l'évaluation qu'ils font eux-mêmes de leur niveau de compétence).

Début décembre 2022, le ministère de l'Économie et des Finances avait lancé une réflexion sur les mauvaises pratiques des influenceurs qui devrait aboutir à une réglementation obligeant les réseaux sociaux à mieux contrôler ces pratiques. Si les performances annoncées semblent alléchantes, dans son rapport annuel, le médiateur de l'AMF met en garde les investisseurs particuliers contre le social trading, y compris dans sa forme copy-trading, qui n'est pas sans risques, malgré les outils mis en avant par les plateformes (stop loss, compte démo, etc.) "Ce type de trading cause des pertes importantes aux épargnants" alerte Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants à l'AMF. Pour autant, ces pratiques ne sont pas interdites en France.

Face à la déferlante des conseils financiers en tout genre, l'AMF a changé son fusil d'épaule, préférant la formation à la répression. L'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont conçu en partenariat un module de formation destiné aux influenceurs dans la finance. Leur objectif est d'aider à la professionnalisation de l'influence commerciale, activité désormais encadrée par la loi. Par ailleurs, dans le cadre de leur programme de travail commun, les deux autorités ont collaboré sur la mise à jour des recommandations de l'ARPP portant sur le secteur financier (produits et services financiers et d'investissement, produits atypiques, produits et contrats à effet de levier) et la création d'une nouvelle recommandation sur la publicité sur les actifs numériques, afin d'intégrer les évolutions de la réglementation et des pratiques. Ces recommandations seront applicables à compter du 1er octobre. Une session de sensibilisation des membres de l'ARPP (annonceurs, agences de communication, régies, médias) et des créateurs de contenus à ces enjeux par des experts de l'AMF et de l'ARPP est également prévue à l'automne.