Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy, le 30 novembre 2021, à l'occasion d'une conférence à Paris Matis Demazeau

POINTS CLÉS

  • Nicolas Sarkozy a été doublement mis en examen, ce vendredi 6 octobre, dans le cadre du dossier libyen
  • Seules les supposées manoeuvres frauduleuses visant à le disculper dans l'affaire initiale sont ici concernées
  • L'ancien président de la République également attendu en novembre au tribunal pour l'ouverture du procès en appel du dossier Bygmalion

"Recel de subornation de témoin et participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l'infraction d'escroquerie au jugement en bande organisée." Voilà les accusations dont fait l'objet Nicolas Sarkozy à la suite de potentielles manœuvres frauduleuses mises en place pour le disculper dans l'affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007. Entendu par un juge d'instruction de mardi à jeudi, l'ancien locataire de l'Élysée a finalement été doublement mis en examen ce vendredi. Pour rappel, le juge d'instruction a la prérogative de mettre en examen lorsqu'il considère qu'il existe à l'encontre d'une personne "des indices graves ou concordants" qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit.

Ici, ce ne sont pas les soupçons de financement libyen qui sont en cause. Cette affaire, selon laquelle l'équipe de la campagne de 2007 de l'ancien président de la République aurait perçu un versement de 50 millions d'euros de la part du régime libyen alors dirigé par Mouammar Kadhafi, sera jugée à partir du début de l'année 2025. En l'espèce, cette double mise en examen concerne uniquement les manœuvres frauduleuses que Nicolas Sarkozy - et d'autres - aurait entreprises pour tromper la justice et, ainsi, le disculper dans ladite affaire. Ce dernier n'est pas la seule personne visée par la justice dans cet épisode judiciaire.

Neuf autres individus sont également soupçonnés d'avoir participé aux supposés actes illégaux commis. Parmi eux, la "papesse française des scoops people" Mimi Marchand, également proche de l'actuel couple présidentiel, et Noël Dubus, plusieurs fois condamné dans des affaires d'escroqueries. Celui-ci aurait organisé le rétropédalage de l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine.

Coup de théâtre dans l'affaire libyenne !

Alors que l'homme d'affaires affirmait, à maintes reprises, avoir "remis trois valises d'argent libyen à Guéant (ancien ministre de l'Intérieur) et à Sarkozy", il a surpris tout le monde, à la fin de l'année 2020, en se rétractant soudainement : "Monsieur Sarkozy n'a pas eu de financement libyen pour la campagne présidentielle car Monsieur Kadhafi ne faisait jamais ce genre de choses. Je le dis haut et fort !", affirmait-il alors. Curieux coup de théâtre ! C'est cet évènement qui a éveillé les premiers soupçons de la justice sur des potentielles manoeuvres frauduleuses imaginées pour disculper l'ancien chef d'État français. Pour pousser l'homme à se rétracter, Noël Dubus lui aurait promis une somme de 4 millions de dollars. Selon les enquêteurs, la contre-partie véritablement versée à Ziad Takieddine s'élèverait plutôt autour de 608 000 euros.

Cette opération n'est pas la seule à avoir intéressé la justice. Au début de l'année 2021, plusieurs des neufs protagonistes auraient tout mis en oeuvre pour prouver que le document publié par Mediapart en 2012 - qui évoquait un financement libyen de la campagne de 2007 à hauteur de 50 millions d'euros - était un faux. Enfin, ces derniers auraient "tenté d'obtenir la libération au Liban d'un fils Kadhafi dans l'espoir que la famille du défunt dictateur libyen facilite la mise hors de cause de M. Sarkozy", selon un communiqué de l'AFP.

Après l'annonce de la double mise en examen de Nicolas Sarkozy, Jean-Michel Farrois et Christophe Ingrain - ses avocats - estiment que "depuis 2013, Ziad Takieddine a livré une vingtaine de versions différentes du prétendu financement libyen". Selon eux, "aucune de ses versions n'a jamais présenté la moindre crédibilité". En ce qui concerne la tentative d'escroquerie au jugement, les juristes précisent que l'ancien Président "n'a jamais pris la moindre initiative procédurale" et que "s'être réjoui d'une énième version de Ziad Takieddine sur une chaîne d'infirmation ne peut pas être interprété comme une tentative de pression sur la justice".

Les autres affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy

En plus du lourd dossier libyen, l'ancien occupant du 55 rue du Faubourg Saint-Honoré est plongé dans deux autres affaires que nous allons brièvement résumer. Tout d'abord, Nicolas Sarkozy sera jugé, en appel, dans l'affaire Bygmalion en novembre prochain. En première instance, celui-ci avait été condamné à un an de prison ferme. L'appel possédant un effet suspensif, M. Sarkozy est toujours présumé innocent. Dans cette affaire, la justice reproche à ce dernier et à son parti politique d'avoir tenté, via un système de fausses factures imaginé avec l'agence Bygmalion, de masquer les dépassements de frais de campagne. En effet, tandis que le Conseil constitutionnel prévoit un plafond de 22 509 000 euros pour chacun des candidats et candidates présents au second tour, l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy aurait dépensé 17 millions d'euros en plus que le montant autorisé.

Enfin, le prédécesseur de François Hollande a été condamné, en mai dernier, à trois ans de prison - dont un an ferme - par la cour d'appel de Paris pour l'affaire des écoutes (aussi appelée "affaire Bismuth"). Celui-ci, ayant alors décidé de se pourvoir en cassation, attend de savoir si la haute juridiction acceptera d'ouvrir la voie à un nouveau procès. Pour résumer, en enquêtant sur l'une des affaires de Nicolas Sarkozy, les juges découvrent que ce dernier utilisait une ligne téléphonique secrète, ouverte sous l'alias de "Paul Bismuth", pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog, en 2014. Dans plusieurs des conversations, une tentative de corruption est identifiée par les enquêteurs : pour obtenir des informations confidentielles auprès d'un magistrat - Gilbert Azibert - sur l'affaire Bettencourt (encore une...), Nicolas Sarkozy et son avocat lui auraient promis de l'aider pour obtenir un poste de conseiller à la Cour de révision de Monaco.

Un agenda judiciaire bien chargé pour celui qui se déplace aux quatre coins de l'Hexagone, depuis le 19 août 2023, pour faire la promotion de ses mémoires Le temps des combats, retraçant les années 2009-2011, lorsqu'il était encore à la tête de l'État. Et les procédures judiciaires sont loin d'être terminées : Nicolas Sarkozy a toujours dit qu'il serait prêt à aller devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour "sauver [son] honneur".