Aurélie Giraud, MECOA
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Directrice générale de LUM Transition, une entreprise collaborative dédiée aux missions de transition pour les managers, Aurélie Giraud a créé, en 2022, MECOA (Mesurer, Comprendre, Agir), une branche spécialisée dans le conseil aux entreprises dans leur stratégie RSE. La dirigeante met ainsi au service des entreprises - notamment les PME - ses compétences en RSE pour les aider à diagnostiquer leur maturité en la matière. Aurélie Giraud revient, en exclusivité pour IBTimes France, sur les problématiques et les différents enjeux relatifs à la responsabilité sociétale des entreprises.

Quels sont les principaux obstacles qui se dressent devant les PME dans leurs démarches RSE ?

Je dirais que la principale difficulté est le manque de connaissance des enjeux. Aujourd'hui, lorsque nous discutons avec les entreprises qui sont préoccupées par leur quotidien, nous nous rendons compte qu'elles ne prennent pas le temps d'essayer de comprendre les différents enjeux qui se cachent derrière la RSE. Elles se rendent souvent compte de l'importance de la mise en oeuvre d'une stratégie RSE seulement lorsque son absence pèse sur leur business.

Sans politique RSE, les PME peuvent rater des appels d'offres par exemple. Et dans ce cas, il faut leur expliquer que la démarche RSE ne se règle pas d'un petit coup de baguette magique. Il faut travailler sur les process, sur l'acculturation... Il faut également former les équipes pour qu'elles puissent s'approprier les enjeux et, ainsi, répondre aux besoins de la société dans son ensemble.

Les entreprises que vous accompagnez présentent-elle, pour la plupart, un réel intérêt pour ces problématiques RSE ou c'est seulement le fait qu'une absence de stratégie responsable pèse sur leur business qui les pousse à s'intéresser à ces sujets ?

Sincèrement, je pense qu'aujourd'hui, la très grande majorité des entreprises ne font pas la transformation par conviction personnelle. Parfois, des dirigeants sont eux-mêmes engagés et responsables dans leur vie quotidienne mais dans le domaine de l'entreprise, il y a d'autres priorités qui entrent en ligne de compte. Généralement, c'est donc lorsqu'elles se rendent compte que l'absence de stratégie responsable commence à peser sur leur business que les sociétés décident d'entamer une démarche RSE.

Toutefois, ce qui est intéressant et qui me rend enthousiaste, c'est l'évolution de leur conscience. Ce qui n'était au début qu'une stratégie commerciale devient peu à peu un sujet qui passionne les entreprises. C'est fréquent que ces dernières souhaitent même aller plus vite que nous sur le sujet. J'adore ces moments où finalement l'entreprise s'empare elle-même de la problématique RSE alors qu'elle y aller à reculons au départ. Et dans ce cas, on se dit que c'est gagné !

Et alors, c'est assez amusant, mais souvent les entreprises de services pensent que leur impact est essentiellement social et sociétal, mais pas forcément environnemental. C'est une erreur, et nous accompagnons donc également des entreprises de services. Nous ne sommes pas obligés de produire pour être concernés par l'enjeu environnemental. Il faut, par exemple, travailler sur le déplacement des salariés. C'est un véritable sujet ! Comment on aide à décarboner le déplacement de ses salariés quand on sait que le transport émet le plus de gaz à effet de serre ? C'est cela qu'il faut décarboner en priorité.

Pourriez-vous nous parler de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 ?

Cette directive européenne fixe de nouvelles normes et oblige les grandes entreprises à communiquer sur les implications sociales, environnementales et sociétales de leurs activités. Mais contrairement à ce qu'elles pensent, les PME sont également concernées par la CSRD. En effet, les grandes entreprises qui devront publier leurs indicateurs en 2025 devront analyser l'ensemble de leurs chaînes de valeur. Et dans celles-ci, il y a les PME. Il faut faire un diagnostic RSE global pour voir où nous en sommes sur tous les sujets. Et cela inclut donc aussi les PME.

Pourquoi pensez-vous que la CSRD représente une belle opportunité pour les entreprises ?

La CSRD est une opportunité incroyable pour les PME car elle leur permettra d'innover, de se diversifier, et de tout simplement entrer dans le monde moderne. Les autres qui n'auront toujours pas pris à bras le corps le sujet de la RSE deviendront très rapidement vieillissantes et ringardes. L'avantage de la CSRD est sa dimension européenne : elle oblige les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs d'accompagnement. Grâce à la CSRD, les PME ont la possibilité d'innover et de rester dans le coup.

Cela fait écho à crise agricole et à la réponse du gouvernement qui a décrété la suppression de certaines normes écologiques. Quel regard portez-vous sur cet épisode ?

Je pense qu'il y a des lacunes dans la politique agricole aujourd'hui qui sont monumentales. Lorsque je vois des agriculteurs qui veulent faire du bio et qui reviennent à une agriculture traditionnelle pour des raisons financières, je pense qu'on marche sur la tête. Et la réponse du gouvernement à la crise agricole n'a, selon moi, aucun sens. Les premiers en ligne de mire du réchauffement climatique et qui vont subir la perte de la biodiversité, ce sont les agriculteurs !

Donc je pense que supprimer ou retarder tous les dispositifs environnementaux pour répondre à la crise agricole, c'est se tirer une balle dans le pied. C'est complètement stupide. Au contraire, il faudrait les accompagner massivement pour mettre en place des réglementations responsables. Mais la France a décidé de faire complètement l'inverse. Moi, je trouve ça aberrant !