Des ouvriers bangladais de l'habillement affrontent la police lors d'un rassemblement à Gazipur le 9 novembre. Ils réclament un salaire minimum d'environ 209 dollars par mois.
Des ouvriers bangladais de l'habillement affrontent la police lors d'un rassemblement à Gazipur le 9 novembre. Ils réclament un salaire minimum d'environ 209 dollars par mois. AFP

Les fabricants de vêtements bangladais ont fermé samedi 150 usines "pour une durée indéterminée", la police ayant émis des accusations globales contre 11 000 travailleurs en lien avec de violentes manifestations réclamant un salaire minimum plus élevé, ont indiqué des responsables.

Les 3 500 usines de confection du Bangladesh représentent environ 85 pour cent de ses 55 milliards de dollars d'exportations annuelles, fournissant de nombreuses grandes marques mondiales, notamment Levi's, Zara et H&M.

Mais les conditions sont désastreuses pour bon nombre des quatre millions de travailleurs du secteur, dont la grande majorité sont des femmes dont le salaire mensuel, jusqu'à récemment, démarrait à 8 300 taka (75 dollars).

De violentes manifestations réclamant de meilleurs salaires ont éclaté le mois dernier, avec au moins trois travailleurs tués et plus de 70 usines saccagées ou endommagées depuis, selon la police.

Un panel nommé par le gouvernement a augmenté mardi le salaire du secteur de 56,25 pour cent à 12 500 taka, mais les travailleurs du textile ont rejeté la hausse, exigeant à la place un salaire minimum de 23 000 taka.

Jeudi, 15 000 travailleurs ont affronté la police sur une autoroute clé et ont saccagé Tusuka, une usine de premier plan, ainsi qu'une douzaine d'autres usines.

"La police a porté plainte contre 11.000 personnes non identifiées suite à l'attaque de l'usine de confection de Tusuka", a déclaré à l'AFP l'inspecteur de police Mosharraf Hossain.

La police bangladaise lance souvent des accusations primaires contre des milliers de personnes – sans préciser leurs noms – à la suite de grandes manifestations et de violences politiques, une tactique qui, selon les critiques, est un moyen de réprimer la dissidence.

Les groupes de défense des droits de l'homme ont déjà averti que de telles poursuites massives contre des milliers de personnes non identifiées donnaient à la police l'autorisation de cibler des manifestants innocents.

Les manifestations salariales constituent un défi majeur pour le Premier ministre Sheikh Hasina, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 2009.

Une opposition résurgente a contesté son pouvoir alors qu'elle se prépare pour les élections prévues avant la fin janvier.

La police a indiqué à l'AFP que 150 usines avaient fermé leurs portes dans les principales villes industrielles d'Ashulia et de Gazipur, toutes deux au nord de la capitale Dhaka, les fabricants craignant de nouvelles grèves au début de la semaine de travail au Bangladesh samedi.

"Les fabricants ont invoqué l'article 13/1 du code du travail et ont fermé 130 usines pour une durée indéterminée à Ashulia, invoquant des grèves illégales", a déclaré à l'AFP Sarwar Alam, chef de la police du centre manufacturier.

Ashulia abrite certaines des plus grandes usines du Bangladesh, certaines employant jusqu'à 15 000 travailleurs dans une seule usine à plusieurs étages.

Jeudi, la police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes sur environ 10 000 travailleurs d'Ashulia lorsqu'elle a attaqué des officiers et des usines avec des briques et des pierres.

Au moins 20 usines ont également été fermées à Gazipur, qui est la plus grande zone industrielle du pays, a indiqué son chef de la police Mohammad Sarowar Alam.

Les manifestations sur le salaire minimum des deux dernières semaines ont été les pires depuis plus d'une décennie.

Le Premier ministre a rejeté toute nouvelle augmentation des salaires des travailleurs et a averti que de violentes manifestations pourraient entraîner des pertes d'emplois.

"S'ils descendent dans la rue pour protester à l'instigation de quelqu'un, ils perdront leur emploi, perdront leur travail et devront retourner dans leur village", a déclaré jeudi Hasina.

"Si ces usines sont fermées, si la production est perturbée, les exportations sont perturbées, où seront leurs emplois ? Ils doivent le comprendre."

Mais les syndicats ont organisé des manifestations défiant l'avertissement d'Hasina.

Ils ont rejeté la décision du comité, car l'augmentation des salaires ne correspond pas à la flambée des coûts de la nourriture, du loyer, des soins de santé et des frais de scolarité de leurs enfants.

La Clean Clothes Campaign, basée aux Pays-Bas, un groupe de défense des droits des travailleurs du textile, a qualifié le nouveau niveau de salaire de " salaire de pauvreté ".

Washington a condamné la violence contre les travailleurs qui protestaient.

Les États-Unis, qui sont l'un des plus gros acheteurs de vêtements fabriqués au Bangladesh, ont réclamé un salaire qui " réponde aux pressions économiques croissantes auxquelles sont confrontés les travailleurs et leurs familles ".

Les conditions sont désastreuses pour bon nombre des quatre millions de travailleurs du secteur, dont la grande majorité sont des femmes dont le salaire mensuel, jusqu'à récemment, démarrait à 8 300 taka (75 dollars).
Les conditions sont désastreuses pour bon nombre des quatre millions de travailleurs du secteur, dont la grande majorité sont des femmes dont le salaire mensuel, jusqu'à récemment, démarrait à 8 300 taka (75 dollars). AFP