Lil Miquelan une influenceuse entièrement virtuelle
Brud

Janky, Guggimon, Tony le Tigre... Vous connaissez ? Tandis que les deux premiers - qui ne sont autres que des lapins blancs aux dents de requin - comptabilisent plus d'1,5 million d'abonnés sur Instagram, le troisième est la célèbre mascotte des céréales Frosties de Kellogg's. Cette dernière s'est récemment illustrée en animant des streams sur le réseau social Twitch. Ces influenceurs assez farfelus opèrent dans un secteur en pleine évolution qui se diversifie de plus en plus.

Dernièrement, comme pour de nombreux autres secteurs, l'IA a quelque peu bouleversé le monde émergent de l'influence. En effet, le marché - dont le chiffre d'affaires mondial est estimé à 21 milliards de dollars pour l'année 2023 - s'est peu à peu élargi à de nouveaux types d'influenceurs, entièrement générés par l'intelligence artificielle.

"Les jeunes suivront ces influenceurs virtuels comme ils suivent des personnages de série ou de jeux vidéo, ils sont déjà bien habitués à ce que le vrai et le faux s'entremêlent", estime Stéphane Galienni, directeur de l'agence Balistik Art, qui lancera bientôt sa propre offre d'influenceurs virtuels.

Ainsi, peut-être avez-vous entendu parler de Lil Miquela, de Shudu Gram ou encore d'Imma ? À elles trois, ces mascottes virtuelles réunissent près de 4 millions d'abonnés sur Instagram. À elle seule, Lil Miquela compte plus de 3 millions de followers sur le "réseau social du beau". Apparue en 2016 sur les différents réseaux sociaux, Lil Miquela est la création de deux membres de Brud, une entreprise américaine spécialisée dans la robotique et l'intelligence artificielle. En 2018, le Time Magazine l'avait classée parmi les 25 personnalités les plus influentes d'Internet.

BMW, Mercedes ou encore Chevrolet séduits par cette nouvelle influence

Une trentaine d'influenceuses virtuelles ont été identifiées dans le monde à la fin de l'année 2023 : une quinzaine aux États-Unis et entre 10 et 15 entre la Chine et la Corée du Sud. En quelques mois, ces influenceuses ont engrangé entre 30 000 et 300 000 abonnements sur leurs plateformes sociales. "Toujours sur le même modèle : des femmes plutôt dénudées, plutôt jolies, plutôt blondes et plutôt blanches", explique Stéphane Galienni, co-fondateur et directeur de la création de l'agence et bureau de tendances BLSTK, lors d'une interview accordée à La Réclame.

Tout récemment, un créateur de contenu français - WIZNESS - a expliqué dans une vidéo comment créer une influenceuse virtuelle, qui suit fidèlement le portrait évoqué par Stéphane Galienni.

Et les marques n'hésitent pas à collaborer avec ces avatars virtuels créés à partir de l'IA pour promouvoir leurs produits ou leurs services. Par exemple, alors que BMW a signé un partenariat avec Lil Miquela pour la diffusion d'une publicité dans laquelle l'influenceuse est au volant d'un de ses véhicules, le constructeur automobile Chevrolet a imaginé une collaboration, en 2022, avec Rozy Gram, la première influenceuse virtuelle coréenne. Montant de l'opération : un million de dollars.

De son côté, la marque automobile allemande Mercedes-Benz a présenté, en janvier 2023, son dernier partenariat conclu avec la marque de divertissement web3 Superplastic. Au programme, une vidéo publicitaire mettant en scène Superdackel (le chien pendulaire animé en personnage 3D) et Guggimon (le fameux lapin blanc aux plus d'1,5 millions d'abonnés sur Instagram) au volant d'une voiture Mercedes dans les rues de New York. Avec ce partenariat, Mercedes-Benz expliquait avoir voulu explorer de nouveaux domaines des arts et du divertissement au service de la publicité.

L'IA et l'influence font-elles bon ménage ?

Certains verront en ce mariage qui s'opère entre intelligence artificielle et monde de l'influence un tremplin à de potentielles dérives. "Le marketing d'influence est fondé sur la sacralisation de l'individu. Il y a fort à parier que l'intelligence artificielle ne puisse pas remplacer l'authenticité des hommes, plus encore dans un contexte où les consommateurs prêtent de plus en plus d'importance à cet aspect", prédit Alban Besnier, managing director d'Orixa Media, dans une tribune récemment publiée dans Stratégies.

Un récent chiffre atteste cette analyse : selon Hyper Auditor, depuis un peu plus d'un an, 57 % des influenceurs virtuels créés à partir d'une intelligence artificielle voient leur nombre d'abonnés diminuer sur Instagram.

Rien n'oppose toutefois l'IA et l'influence si l'union entre les deux est harmonieusement pensée : "Évidemment que recourir à l'intelligence artificielle pour propager une deepfake du pape sur les réseaux sociaux ne laisse pas présager un avenir éclairé pour l'influence par intelligence artificielle. En revanche, avec une once de sagesse, il a beaucoup à tirer de ces nouveaux outils", reconnaît Stéphane Galienni.

Comme souvent, une bonne exploitation de l'IA permet de profiter des nombreux avantages qu'offre cette avancée technologique. À l'inverse, une utilisation de l'intelligence artificielle qui, par exemple, porte atteinte à l'éthique peut être fortement néfaste pour le secteur de l'influence..."Il ne faut pas risquer d'abîmer le contrat de confiance d'une marque et sa réputation, en usant d'influenceurs virtuels à l'identité ou au comportement qui prêtent à confusion", affirme, pour sa part, Béatrice Speisser, chief transformation officer de l'agence Havas Groupe France, au Figaro. À bon entendeur !