La Fed devrait maintenir ses taux d'intérêt mercredi
AFP

Après les décisions récentes des banques centrales, Mary-Sol Michel, Directrice de la Gestion sous mandat de Swiss Life Banque Privée fait le point sur les marchés.

Quel bilan tirez-vous de la période estivale sur les marchés financiers ?

Mary-Sol Michel : L'été, assez calme au global, a été marqué par deux phases bien distinctes. On a d'abord assisté à un très bon mois de juillet, avec, des deux côtés de l'Atlantique, une belle progression des indices actions qui ont touché des points hauts. Puis les marchés se sont mis à évoluer en dents de scie en août, avec un creux au milieu du mois. Outre la dégradation de la note américaine par l'agence Fitch, ce sont de moins bons chiffres macroéconomiques, en particulier en Europe et en Chine et un rebond des taux longs qui ont pesé sur les marchés actions. En août, le S&P 500 perd ainsi 1,8 %, le CAC 40, 2,4 % et le CSI chinois chute de 6,2 %. Le rebond des taux longs a également affecté le marché des dettes souveraines qui sous-performe. Mais on peut toutefois noter la bonne résistance des obligations d'entreprises, et notamment des indices à haut rendement.

En quoi la macroéconomie pèse-t-elle sur les marchés ?

Mary-Sol Michel : Les pressions inflationnistes ont continué de refluer cet été : c'est un point très positif qui montre que l'action des banques centrales porte ses fruits. Mais cette décrue se fait désormais à un rythme plus modéré : l'inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie) n'a que très légèrement diminué en août en Europe et aux Etats-Unis. Elle s'établit à 5,3 % en zone euro et à 4,7 % aux Etats-Unis, ce qui demeure trop élevé. En matière de croissance, alors que les économies américaines et européennes étaient jusqu'ici assez synchronisées, une divergence commence à apparaître. Le consensus des économistes a ainsi revu ses prévisions à la hausse aux États-Unis, passant de 1,3 à 2 %. Un raffermissement que l'on ne retrouve pas au niveau de la zone euro : plombée par l'économie allemande, sa croissance devrait rester très morose, à 0,6 % sur l'année. Les indicateurs avancés d'activité, qui montraient déjà une contraction pour le secteur manufacturier, passent également dans le rouge au niveau des services en Europe, alors qu'ils se replient mais tout en restant dans le vert aux États-Unis.

Comment analysez-vous l'action des banquiers centraux ?

Mary-Sol Michel : Des deux côtés de l'Atlantique, les banques centrales ont augmenté leurs taux directeurs de 25 points de base en juillet. Mais la situation de la Fed et de la BCE n'est pas la même. Aux États-Unis, Jerome Powell est en passe de gagner son pari : faire refluer l'inflation mais sans faire tomber l'économie en récession. C'est l'" atterrissage en douceur " qu'il souhaitait. La BCE, qui partait d'un niveau d'inflation plus élevé, a également réalisé un travail considérable mais au prix d'une stagnation de son économie. Et sa tâche n'est pas encore totalement terminée, alors que la Fed est probablement proche de la fin de son resserrement.

Quelle est votre vision des marchés pour les mois à venir ?

Mary-Sol Michel : Le tableau est contrasté : avec l'arrêt probable des hausses de taux aux États-Unis, c'est un facteur pénalisant pour les marchés qui va progressivement disparaître. Cela ne signifie toutefois pas que les taux vont rebaisser rapidement : la pause monétaire devrait être longue avant que l'inflation ne retrouve son niveau de 2 %. D'autant que le baril de pétrole repart à la hausse : son cours a progressé de 20 % depuis début juillet. Ainsi, les marchés demeurent probablement trop optimistes sur le calendrier attendu de baisse des taux. Sur le plan microéconomique, les publications du deuxième trimestre restent correctes mais tendent à se dégrader. Les bénéfices, qui devraient stagner sur l'année 2023, sont attendus, l'an prochain, en hausse de 12 et 8 % pour les États-Unis et l'Europe respectivement. Cela semble élevé compte tenu du ralentissement économique. Enfin, les valorisations sont toujours supérieures à la moyenne aux États-Unis mais sont neutres, voire attractives en Europe.

Quel est votre positionnement sur les valeurs technologiques américaines ?

Mary-Sol Michel : Le marché américain est cher du fait de l'engouement autour de l'intelligence artificielle mais pour nous il ne s'agit pas d'une bulle : nous sommes face à une vraie révolution technologique. Ainsi, même si les valorisations ont progressé, nous restons investis sur ces valeurs qui demeurent attractives à long terme. En revanche, leur potentiel nous paraît plus limité à court-terme.