Comment le vélo se réinvente-t-il en France ?
Marie de Paris

"Rendre le vélo accessible à toutes et tous, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie ; Faire du vélo une alternative attractive à la voiture individuelle pour les déplacements de proximité ; Faire du vélo un levier pour notre économie en accompagnant les acteurs français de la filière". Voilà les ambitions du gouvernement, qui a lancé, en septembre 2022, le plan vélo 2023-2027 destiné à "définitivement inscrire le vélo dans le quotidien de tous les Français". Deux milliards de dollars ont été investis à cet effet. L'exécutif espère ainsi faire passer le nombre de vélos assemblés chaque année dans l'Hexagone de 800 000 à 2 millions d'ici 2030.

Tout roule pour l'électrique !

Et première tendance identifiée ces dernières années : la France mise tout sur l'électrique ! L'année dernière, selon les données de l'Union Sport & Cycle (USC), le chiffre d'affaires des vélos électriques fabriqués en France a dépassé celui des vélos "classiques". En 2022, un total de 2,6 millions de vélos ont été vendus, générant un chiffre d'affaires global estimé à 3,6 milliards d'euros. En termes de volume, les vélos électriques représentaient 28 % des ventes (par rapport à 48 % en Allemagne), mais ils contribuaient de manière significative au chiffre d'affaires, représentant 61 % du total des ventes. Cette transition vers les vélos électriques a participé à une augmentation moyenne de 300 euros dans le prix de vente d'un vélo au cours de la dernière décennie, les nouveaux modèles électriques se situant principalement autour des 2 000 euros.

Moustache, Voltaire, Larrun... De nombreuses marques surfent sur cet engouement pour l'électrique. Et sur le "made in France", par la même occasion : "Depuis des années, nous fabriquons nos vélos en intégralité dans les Vosges bien qu'une partie des pièces vient encore de l'étranger avant l'assemblage dans notre usine. Notre objectif est de rapatrier un maximum de savoir en France. Mais c'est un challenge énorme en termes d'industrialisation", explique Greg Sand, cofondateur de Moustache, acteur majeur du marché du vélo électrique. En effet, selon lui, la fabrication d'un cadre en France est, en moyenne, 20 % plus coûteuse par rapport à celle d'un cadre en Asie. Ceci explique en partie la petite fortune (plus de 5 000 euros) qu'il faut débourser pour s'offrir l'un des modèles de la marque.

Le luxe et l'abordable

Alors que 90 % des cadres de vélo sont aujourd'hui produits à Taiwan, une autre marque - Ref Bikes - mise sur le "fabriqué en France" et sur l'électrique pour attirer les amateurs de la bicyclette. Mais contrairement à des entreprises comme Moustache, celle-ci se veut inclusive, proposant des prix plus abordables : "Il est vrai que lorsqu'un produit fait du bien à la planète et est fabriqué en France, il est généralement plus cher que les autres. Cependant, notre modèle présente non seulement le volet écologique mais aussi ceux économiques et sociétaux. Nous essayons donc de rendre notre offre accessible au plus grand nombre", affirme Romain Segura, l'un des cofondateurs de la marque, auprès d'IBT France. Ainsi, les modèles électriques Ref Bikes sont proposés à un peu plus de 2 000 euros, soit près de trois fois moins que ceux de la marque Moustache.

Parallèlement, d'autres acteurs du secteur n'hésitent pas à proposer des vélos plus "élitistes". C'est le cas de la Maison Tamboite, créateur de vélos de luxe, qui dispose d'une entrée de gamme fixée à... 12 000 euros. "La Maison Tamboite Paris perpétue aujourd'hui encore un idéal de qualité et de perfection fondé sur l'excellence d'un savoir-faire à l'avant-garde du progrès transmis au fil des générations par une lignée d'artisans talentueux et passionnés", peut-on lire sur le site internet de la marque. Mais ce savoir-faire a un prix...

Des vélos... en bois !

À l'instar de la marque française WoodAlps, de plus en plus d'entreprises mise sur la singularité de leurs produits pour se distinguer. Effectivement, cette dernière commercialise des vélos dont le cadre est entièrement fabriqué à partir... de bois de frêne ! En provenance de forêts françaises, ce matériau "permet une grande liberté de design et des performances mécaniques très bonnes", soutient Arnaud Pornin, ingénieur en mécanique et fondateur de WoodAlps.

De même, l'entreprise Cyclik s'est elle aussi lancée dans la fabrication de "vélos végétaux". En plus d'être original, ce concept présente un incontestable avantage pour l'environnement : "Nous utilisons de la fibre de bambou pour tout ce qui est tubulaire et nous utilisons le lin pour fabriquer tout ce qui est éléments de liaison. Cela nous permet de diminuer de 36 fois l'émission de CO2 par rapport à la fabrication d'un cadre en carbone", assure Félix Hébert, patron et fondateur de la marque.

Singularité, responsabilité, excellence... Les acteurs du cycle ont plusieurs cordes à leur arc pour promouvoir le "made in France". Et ces exemples ne sont que les prémices d'un bouleversement industriel : Un contrat de filière devrait bientôt être signé, par le ministère de l'Industrie, afin d'accompagner les acteurs du vélo dans la réindustrialisation des productions ainsi que dans l'innovation.