Cour de cassation Congès payés
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Au moins deux milliards d'euros par an. C'est le coût estimé par Patrick Martin, le patron du Medef, des arrêts rendus le 13 septembre dernier par la Cour de cassation sur la question des arrêts maladie.

Pour se mettre en conformité avec le droit européen, la juridiction a en effet décidé que tout arrêt de travail donne droit à des congés payés. Un revirement radical puisque, jusqu'à présent, en France, l'acquisition de congés payés implique du travail effectif.

Or, selon le droit européen, la maladie ne doit pas avoir d'impact sur les congés payés d'un salarié. La Cour de cassation a donc appliqué ce principe dans plusieurs décisions rendues le 13 septembre. Ce qui soulève une multitude de questions du côté des entreprises comme des salariés. Décryptage avec Anne-Lise Castell, juriste aux Editions Tissot (éditeur spécialiste du droit social).

Avant le 13 septembre on appliquait le droit français. Il prévoit qu'un salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. Certaines absences sont toutefois assimilées à du travail effectif, comme le congé de maternité ou de maladie professionnelle (dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an).

En revanche, la maladie non professionnelle n'est pas assimilée à du travail effectif et ne permet donc pas d'acquérir des congés payés, sauf dispositions plus favorables.

Mais depuis le 13 septembre, les salariés atteints de maladie ou victimes d'un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle), ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n'ont pas pu travailler.

L'indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Concrètement, si un salarié est arrêté pendant deux ans, il a en principe droit à 10 semaines de vacances à son retour.

Le délai de prescription de l'indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congés payés.

Le salarié qui n'a pas pu prendre ses congés payés parce qu'il est en congé parental en conserve le bénéfice. Les congés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.

Il n'est pas possible aujourd'hui d'invoquer le Code du travail ou l'attente de sa modification pour refuser à un salarié malade l'acquisition de congés payés. Ces nouvelles dispositions concernent en pratique l'intégralité des congés payés, donc y compris la 5e semaine et les congés conventionnels ; la période d'acquisition en cours, mais aussi les périodes antérieures (avec une prescription de 3 ans voire plus si l'employeur n'a pas fait ce qu'il faut) ; et elles instaurent un report sans limite, si la maladie dure plusieurs années.

L'impact financier peut donc être considérable. Un salarié malade qui s'est vu refuser, au cours des 3 dernières années, l'acquisition de congés payés peut réitérer sa demande au vu des nouvelles décisions. Même s'il a quitté l'entreprise...

En attendant une éventuelle réaction des pouvoirs publics (qui pourraient notamment limiter le report dans le temps) l'employeur doit englober toute la période où le salarié n'a pas pu travailler lorsqu'il calcule ses droits à congés. A défaut, il prend le risque d'être condamné par un conseil des prud'hommes ou une cour d'appel, en cas de contentieux avec l'employé.

Bon à savoir : Il y a d'autres domaines relatifs aux congés où le droit français n'est pas conforme au droit européen, notamment dans le cas où le salarié tombe malade pendant ses congés payés. Aujourd'hui, bien qu'il n'y ait pas (encore !) de décision sur ce sujet précis, il est conseillé aux salariés dans cette situation de se servir des nouvelles dispositions pour demander un report.