La crédibilité des syndicats français et le programme de réformes de Macron sont en jeu
La crédibilité des syndicats français et le programme de réformes de Macron sont en jeu AFP

Les syndicats français se dirigent vers ce qui devrait être une confrontation décisive avec le président Emmanuel Macron sur la réforme des retraites, avec des grèves massives à partir de mardi visant à mettre le pays "à l'arrêt".

Après cinq jours distincts de manifestations jusqu'à présent cette année, les arrêts de travail de cette semaine annoncent une nouvelle phase dans la bataille entre le gouvernement centriste et les opposants aux changements.

"On a toujours dit qu'on passerait à la vitesse supérieure s'il le fallait", a déclaré dimanche le patron de l'influent syndicat CGT, Philippe Martinez, au Journal du Dimanche. "Ce sera le cas mardi."

Plus de 260 manifestations sont attendues dans tout le pays, dont beaucoup dans les petites et moyennes villes où l'opposition à la réforme est forte, tandis que les grèves toucheront les transports, le secteur de l'énergie et les services publics.

La police s'attend à ce qu'entre 1,1 et 1,4 million de personnes descendent dans la rue, a indiqué une source à l'AFP sous couvert d'anonymat.

La limite supérieure de cette fourchette représenterait la plus grande journée de manifestations depuis des décennies, supérieure aux 1,27 million de personnes qui ont participé aux manifestations du 31 janvier et supérieure aux précédentes manifestations de réforme des retraites en 2010.

Les syndicats représentant les travailleurs des chemins de fer nationaux SNCF, du métro parisien et du secteur de l'énergie, y compris les raffineries, ont appelé pour la première fois à des grèves continues, auxquelles d'autres industries devraient se joindre.

Les huit principaux syndicats cherchent à "immobiliser" le pays, les commerçants étant encouragés à baisser leurs volets.

Certains chauffeurs routiers devraient commencer à manifester à partir de dimanche soir, avec des blocages probables dans certaines installations industrielles et des opérations de "ralentissement" prévues pour gronder la circulation sur les routes principales.

Seul un train régional et longue distance sur cinq circulera mardi, a annoncé dimanche la SNCF.

Le plan de Macron visant à relever l'âge officiel de la retraite de 62 à 64 ans est une politique phare de son deuxième mandat, qui a débuté l'année dernière après avoir battu la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen.

L'homme de 45 ans a qualifié le changement d'"essentiel" en raison des déficits prévus pour le système pendant la majeure partie des 25 prochaines années, selon l'analyse du médiateur indépendant des retraites.

La France est à la traîne de ses voisins et d'autres grandes économies européennes où l'âge de la retraite a déjà été relevé à 65 ans ou plus pour refléter une espérance de vie plus élevée.

Mais les opposants considèrent les changements comme injustes, pénalisant les travailleurs peu qualifiés qui démarrent tôt leur carrière, tout en réduisant le droit aux loisirs et à une longue retraite en fin de vie active.

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a insisté dans une interview samedi sur le fait que 1,8 million de retraités à faible revenu verraient leurs pensions augmenter jusqu'à 100 euros (106 $) par mois à partir de septembre si la réforme est promulguée.

"Cela ne les rendra pas riches, mais c'est un effort substantiel qui n'a jamais été réalisé malgré les annonces des 20 dernières années", a-t-il déclaré.

Le temps presse pour les syndicats et autres opposants à la réforme d'obliger le gouvernement à faire volte-face.

Dans un contexte de rhétorique intransigeante des dirigeants syndicaux, le patron de la branche CGT du secteur de la chimie et du raffinage du pétrole, Emmanuel Lépine, s'est dit prêt à "mettre l'économie française à genoux".

Malgré les grèves dans les raffineries qui ont provoqué d'importantes pénuries de carburant en octobre dernier, le ministre des Transports Clément Beaune a déclaré dimanche que "je ne crois pas que nous assisterons à un mouvement irresponsable ou bloquant".

La législation a déjà été discutée à la chambre basse de l'Assemblée nationale et est actuellement débattue au Sénat de la chambre haute, où elle devrait être amendée mais approuvée.

Un vote final des deux chambres est attendu à partir de la mi-mars et pour le 26 mars au plus tard.

Macron a fait face à de nombreux défis de la part des syndicats dans le passé et, presque sans exception, a réussi à faire passer son programme pro-entreprises et les réformes de la sécurité sociale.

L'ancien banquier d'affaires, souvent accusé d'être distant et déconnecté, a chargé la Première ministre Elisabeth Borne d'être le visage de la réforme des retraites et de mener les négociations avec les partis d'opposition et les dirigeants syndicaux.

Interrogé sur les grèves samedi alors qu'il terminait une tournée dans les pays africains, Macron a déclaré qu'il n'avait "rien de nouveau à dire" sur le sujet.

Les alliés s'attendent à ce qu'il intervienne plus directement dans les semaines à venir.