Un policier français fait une démonstration d'un pistolet anti-drone sur une base militaire à Vélizy-Villacoublay, au sud-ouest de Paris
Un policier français fait une démonstration d'un pistolet anti-drone sur une base militaire à Vélizy-Villacoublay, au sud-ouest de Paris AFP

A trois mois et demi du début des JO de Paris, les inquiétudes grandissent quant au fait que le bouclier anti-drone mis en place pour les Jeux ne soit pas à la hauteur pour protéger la capitale française d'une potentielle attaque.

L'année dernière, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait désigné les drones comme "sans aucun doute la principale (menace) à traiter" lors des Jeux olympiques.

Cependant, un rapport parlementaire est désormais jugé trop sensible pour être rendu public, tandis que les exercices visant à tester le système se sont révélés peu concluants.

"C'est énervant que cela soit rendu public mais malheureusement, contrairement à la ligne officielle, les choses ne fonctionnent pas vraiment comme nous le souhaiterions", a déclaré à l'AFP une source sécuritaire de haut niveau sous couvert d'anonymat.

Le spectre d'une attaque " terroriste " hante tous les pays hôtes des Jeux olympiques depuis les Jeux de Munich en 1972, lorsque l'organisation palestinienne Septembre Noir a tué 11 membres de l'équipe israélienne.

Le niveau de menace a considérablement augmenté avec les attentats du 11 septembre à New York, avec la préparation des Jeux d'Athènes de 2004 en proie à des spéculations constantes sur des bombes " sales " dans le métro et à une facture de sécurité qui gonfle rapidement.

Le scénario d'un attentat cette année, avec une nuée de drones survolant la Seine lors de la cérémonie d'ouverture le 26 juillet devant 300 000 spectateurs sur les quais, est le cauchemar des autorités.

Bien que l'alerte sécuritaire nationale ait été portée à son niveau maximum suite à l'attaque d'une salle de concert à Moscou le 22 mars, revendiquée par l'État islamique, le président Emmanuel Macron a déclaré que le maintien de la cérémonie d'ouverture sur la Seine restait "le scénario privilégié".

Avec environ trois millions de drones en France – la plupart entre des mains privées – les forces armées et le gouvernement travaillent dur pour empêcher le vol de tout engin potentiellement hostile.

La réponse militaire pour les JO de Paris a été confiée à Thales et Groupe CS en avril 2022.

Mais depuis, les bugs se succèdent.

Prévue pour juin 2023, la livraison des six systèmes, baptisés Parade, a été retardée de plusieurs mois.

Cela a suscité des inquiétudes et convaincu une commission sénatoriale de lancer une mission d'enquête fin 2023.

Le président de la commission, Cédric Perrin, du parti de centre-droit Les Républicains, a déclaré en décembre aux journalistes de la défense que la lutte contre les drones n'était "pas à la hauteur".

L'exercice d'envergure organisé par l'armée de l'air française mi-mars pour tester les premiers systèmes Parade à Villacoublay, près de Paris, n'a visiblement pas convaincu tous les participants.

Les sénateurs ont annoncé le 20 mars que leur rapport ne serait finalement pas rendu public.

Selon plusieurs sources, Perrin aurait exprimé sa frustration auprès des militaires.

"C'est une question de sécurité nationale" et la publication du rapport "pourrait être dangereuse", a expliqué une source proche de l'armée.

Vue d'artiste de la cérémonie d'ouverture inédite des Jeux olympiques de Paris, dont les autorités françaises craignent qu'elle ne soit la cible d'attaques de drones
Vue d'artiste de la cérémonie d'ouverture inédite des Jeux olympiques de Paris, dont les autorités françaises craignent qu'elle ne soit la cible d'attaques de drones AFP

Lorsque le ministre des Armées Sébastien Lecornu a conclu les auditions de la mission d'information, le 2 avril, c'était à huis clos.

"Nous avons demandé à l'industriel, Thales en l'occurrence, de s'améliorer en répondant précisément à toutes les demandes qui lui sont faites par les armées et la DGA afin d'être prêts", avait précédemment déclaré Lecornu à la presse.

Contacté par l'AFP, Thales n'a fait aucun commentaire.

"Oui, cela ne fonctionne pas parfaitement. Et oui, le système peut être amélioré. Le problème, c'est qu'en trois mois, il y a très peu de marge de manœuvre", a déclaré une autre source sécuritaire qui a souhaité rester anonyme.

A seulement trois mois de la cérémonie d'ouverture des JO, "le temps de former le personnel, d'apporter des améliorations significatives au système, cela semble impossible", a souligné la même source.

Alain Bauer, professeur de criminologie, se montre flegmatique quant à la possibilité d'une faille de sécurité

"Aucun système n'est aussi efficace qu'espéré. Ce qui se passe en Ukraine le démontre presque quotidiennement", dit-il.

"Malgré des systèmes qui comptent sans doute parmi les meilleurs au monde, plusieurs drones parviennent quand même à passer."

La question reste de savoir si l'armée française poursuivra ou non le système de parade.

"On verra", confie une source proche du dossier.

Récemment, l'armée de l'air a acquis plusieurs systèmes anti-drone Bassalt, conçus pour détecter et intercepter tout drone dans un rayon de 10 kilomètres.

L'armée aurait "de quoi équiper tous les sites olympiques", y compris la cérémonie d'ouverture, avec Bassalt, sorte de Plan B anti-drone, a ajouté la source sécuritaire.

"C'est comme avoir une voiture en panne, ou pas en très bon état, et dans votre garage vous avez une voiture en état de marche. Qu'allez-vous emporter en vacances ? Je sais", a déclaré un haut fonctionnaire.