Tariq Ramadan arrive lundi au palais de justice de Genève pour faire face à des accusations de viol
Tariq Ramadan arrive lundi au palais de justice de Genève pour faire face à des accusations de viol AFP

L'érudit islamique suisse Tariq Ramadan a été jugé lundi devant un tribunal correctionnel de Genève pour "viol et coercition sexuelle", des allégations que l'ancien professeur de l'université d'Oxford dément.

Ramadan est arrivé peu après 8h30 (06h30 GMT) au palais de justice de Genève, où la sécurité avait été visiblement renforcée alors que le public affluait pour assister au procès très attendu.

La plaignante suisse, qui dit avoir fait l'objet de menaces et souhaite donc être connue sous le nom d'emprunt de "Brigitte" lors du procès, était âgée d'une quarantaine d'années au moment de l'agression présumée, qui remonte à près de 15 ans.

Ramadan, 60 ans, est accusé de l'avoir soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d'insultes le soir du 28 octobre 2008, dans une chambre d'hôtel genevoise.

Brigitte a porté plainte auprès des tribunaux genevois en avril 2018.

L'intellectuel suisse, figure charismatique mais controversée de l'islam européen, risque de deux à dix ans de prison s'il est reconnu coupable.

Contacté par l'AFP, l'un de ses avocats français, Philippe Ohayon, s'est refusé à tout commentaire avant le procès, qui devrait durer deux à trois jours.

Le verdict sera rendu le 24 mai, ont indiqué les tribunaux genevois à l'AFP, et Ramadan pourra faire appel s'il est reconnu coupable.

Controversé parmi les laïcs qui le voient comme un partisan de l'islam politique, Ramadan a obtenu son doctorat à l'Université de Genève, avec sa thèse centrée sur son grand-père, qui a fondé le mouvement égyptien des Frères musulmans.

Il a été professeur d'études islamiques contemporaines à la prestigieuse université britannique d'Oxford jusqu'en novembre 2017, et a occupé des postes invités dans des universités au Qatar et au Maroc.

Il a été contraint de prendre un congé lorsque des allégations de viol ont fait surface en France au plus fort du mouvement "Me Too", suite à des attentats présumés en France entre 2009 et 2016.

L'enquête suisse a avancé lentement, car Ramadan était initialement en détention provisoire à Paris et ne pouvait pas être interrogé par les autorités suisses.

Après sa libération en novembre 2018, il a été mis en liberté surveillée et interdit de quitter la France.

Il dispose cependant d'une autorisation exceptionnelle pour franchir la frontière et s'aventurer quelques kilomètres en territoire suisse pour le procès de Genève.

Convertie à l'islam, Brigitte a déclaré aux enquêteurs qu'elle avait rencontré Ramadan lors d'une séance de dédicace quelques mois avant la nuit du 28 octobre 2008, puis à nouveau lors d'une conférence en septembre de la même année.

Ils ont partagé une correspondance de plus en plus intime sur les réseaux sociaux, et le soir des faits présumés, elle l'a rejoint à son hôtel à Genève.

Selon l'acte d'accusation, il est accusé d'avoir commis trois viols dans la nuit, et de "contrainte sexuelle" jusqu'à la suffocation. Ramadan nie les allégations.

"Ce procès est une épreuve pour mon client, pas une thérapie", a déclaré à l'AFP l'avocat français de la femme, François Zimeray, ancien diplomate et spécialiste des droits de l'homme.

"Elle attend la reconnaissance de la souffrance qui l'accompagne depuis 15 ans et dont elle s'est fait un douloureux devoir de révéler."

"Elle s'attend à une confrontation difficile, douloureuse mais elle y est prête, convaincue que ce combat est pour elle un devoir autant qu'une épreuve", a-t-il ajouté.