Temu, shein
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On pourrait appeler cela des injonctions contradictoires. Alors que dans les sondages d'opinion, les consommateurs ne cessent de vilipender l'ultra fast fashion, pour son coût écologique et social, les marketplaces des géants chinois de la mode pas cher cartonnent en France.

Selon les statistiques de data.ai, depuis le début de l'année, les applications e-commerce chinoises Temu et Shein ont été les plus téléchargées en France.

Les géants asiatiques du shopping discount placent également un troisième de leurs membres dans ce top 10 avec AliExpress, à la 10e place.

À noter le bond, à la 8e place des apps shopping les plus téléchargées en France en 2023 de la chaîne hard-discount Action.

Le nouveau venu sur le marché, Temu enregistre même la plus forte croissance annuelle en France en termes de téléchargements de l'application.

Mieux, les Français passent de plus en plus de temps sur ses applis. En effet, la France se classe à la 2e place mondiale des pays où l'augmentation du temps passé sur ce type d'application est la plus forte (+8,8 %) derrière la Chine et ce, pour la deuxième année consécutive (+ 7,5 % en 2022).

Toujours selon data.ai, les consommateurs du monde entier vont passer environ 26,5 milliards d'heures sur les applications e-commerce Android au quatrième trimestre 2023.

Si les Français sont devenus accros à ces plateformes, c'est parce qu'elles ont tout compris aux nouvelles règles du jeu du commerce digital.

Sur l'appli Temu, on trouve une offre pléthorique de produits aussi malins qu'inutiles, des prix cassés, des offres de réduction activant à plein la peur de manquer quelque chose, l'effet FOMO (fear of missing out), une gamification à l'extrême, un service client aux petits oignons avec envois et retours gratuits pour ceux qui acceptent de faire la promo du site auprès de leurs amis. Une véritable stratégie d'influence amplifiée par la marque. En août 2023, Temu aurait publié plus de 8 000 publicités sur Facebook, Instagram et WhatsApp selon des données délivrées par Meta.

Un peu plus tôt dans l'année, en février 2023, la plateforme s'était offert un spot le soir du Super Bowl, événement majeur aux États-Unis, pour la modique somme de sept millions de dollars.

Ajoutez à cela une logistique d'approvisionnement complexe et ultra-efficace grâce à son système " C2M " (Consumer to Manufacturer) qui consiste en une vente directe entre le fabricant et le consommateur. De quoi ringardiser nos bons vieux modèles BtoC (Business to consumer) ou BtoB (business to business) !

Selon la société, ce processus aide les vendeurs à fabriquer des produits en fonction des préférences des consommateurs et à réduire davantage les coûts.

Sur ce point, Temu se différencie en adoptant un business model plus proche de celui d'Amazon. À l'inverse de Shein, qui commercialise des vêtements et accessoires qu'elle développe en interne, ouvre des boutiques et " monte " en gamme, notamment via l'achat du site Missguided en Angleterre, ce qui représente un coût pour la marque de real-time fashion, Temu fait office de marketplace où les fournisseurs ajoutent leurs propres produits.

Autre différence, la vitesse de propagation de Temu, d'abord lancée aux États-Unis par PDD Holdings, maison mère de Pinduoduo (société chinoise créée en 2015). La plateforme et l'application mobile ont ensuite été rendues accessibles en France en 2023, ainsi qu'en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

Si les plateformes chinoises démarrent leur conquête du monde par les États-Unis, c'est qu'elles profitent de la loi américaine des " minimis " qui exonère de droits de douanes les colis à destination des particuliers, d'une valeur inférieure à 800 dollars.

Pourtant, rarement un site de e-commerce n'aura fait l'objet d'autant de critiques : mauvaise réputation de la plateforme en raison de colis non livrés, de frais mystérieux, de commandes incorrectes et de son service clientèle peu réactif, violation des droits d'auteur et du travail, fichage des clients et non-conformité aux règles de protection des données. Un rapport publié début septembre aux États-Unis par Grizzly Research (un cabinet qui s'attaque régulièrement aux entreprises chinoises) estime qu'à l'instar de Tiktok, Temu utilise un logiciel espion pour aspirer de nombreuses données des clients.

Temu est par ailleurs dans le viseur de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en France.

Mais pour l'instant, rien ne semble ébranler le géant chinois, ni la confiance des consommateurs."