La France peut-elle concurrencer ChatGPT ?
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La question de la souveraineté ne se limite pas aux secteurs de l'industrie, de l'énergie ou de la santé. Elle concerne également le sujet phare de cette année 2023 : celui de l'intelligence artificielle. Après l'avènement de ChatGPT, de nombreux pays se bousculent dans la course à l'IA générative. Et la France ne fait pas exception.

En effet, l'Hexagone n'entend pas laisser le monopole au pays de l'Oncle Sam... "Le lancement de ChatGPT a tout changé. Cela a été un signal d'alarme pour les entreprises européennes. Mais la bataille pour l'IA générative n'est pas terminée", prévient Laurent Daudet, co-fondateur de la start-up française LightOn.

Dès ce mois de novembre, Docaposte, filiale du groupe La Poste, proposera, avec le soutien de la start-up co-fondée par Laurent Daudet, ainsi que des entreprises Aleia et NumSpot, sa première solution souveraine et industrielle d'IA générative. Ainsi, elle souhaite offrir aux acteurs publics et privés la possibilité d'exploiter les potentialités de l'IA générative "tout en garantissant la protection des données et le respect de la confidentialité des projets".

Une méfiance grandissante vis-à-vis de l'IA

Ces problématiques de protection des données et de confidentialité inquiètent de plus en plus les internautes. C'est ce que révèle un sondage réalisé par MIS Trend en octobre 2023. Selon ce dernier, 60 % de la population affirment ne pas être confiants vis-à-vis des outils d'intelligence artificielle. À l'inverse, en 2020, la majorité des personnes interrogées assuraient avoir confiance en cette nouvelle technologie.

L'IA bleu-blanc-rouge proposée par la filière de La Poste a été pensée autour de cet enjeu de sécurité informatique : "La solution alternative aux offres existantes que nous proposons constitue la première brique d'une suite qui a vocation à favoriser le déploiement des usages de l'IA générative dans un cadre souverain et de confiance. Le développement de cette solution montre la capacité de Docaposte à maîtriser de bout en bout les technologies de l'intelligence artificielle en fédérant des acteurs de confiance", affirme Olivier Vallet, président-directeur général de Docaposte dans un communiqué.

Destinée à tous les acteurs manipulant des données sensibles, la solution d'IA générative de Docaposte étendra les possibilités d'automatisation de certaines tâches et renforcera l'efficacité et la productivité des organisations. Selon l'entreprise, cette solution trouvera de nombreuses applications professionnelles et sectorielles dans la santé, les administrations publiques ou encore la conformité réglementaire. Justement, Docaposte présentera prochainement une première application de cette solution d'IA générative à travers la démonstration d'un cas d'usage dans le secteur de la santé.

Bloom, un "bijou sous-exploité" ?

Cette initiative n'est pas la première à voir le jour dans l'Hexagone. Effectivement, avant Docaposte, l'entreprise Hugging Face, fondée par trois Français à New York, et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont initié une collaboration à l'origine de la création de Bloom, un modèle de langue multilingue et open source qui intègre des textes en 46 langues.

Selon la CNRS, l'outil présente l'avantage d'être "exemplaire" en matière de transparence, avec des bases de données connues et des algorithmes "visibles et documentés". De même, grâce à son corpus multilingue, Bloom est particulièrement performant dans le domaine de la traduction.

Bloom, "un bijou sous-exploité" ? C'est ce qu'estime François Yvon, directeur de recherche CNRS au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique : "Bloom représente la seule initiative européenne comparable aux développements conduits aux États-Unis et ailleurs. Par son soutien à ce projet complexe sans bénéfice immédiat, le CNRS a permis de mettre en évidence la recherche française dans la communauté internationale de l'intelligence artificielle générative", assurait-il en avril dernier, dans un communiqué.

Toutefois, un frein important au développement de Bloom demeure : "Il s'agissait d'un projet de recherche, aujourd'hui terminé, qui n'avait pas vocation à être exploité commercialement et n'a pas été conçu pour être directement utilisable par le grand public", explique François Yvon. Cela ne revêt néanmoins rien d'insurmontable. Il suffirait qu'une entreprise - française, de préférence - s'empare aujourd'hui du modèle. Plutôt encourageant !