Le camembert gardera-t-il son emballage en carton ?
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"La boîte en bois du camembert menacée par un texte européen", "UE : Les boîtes de camembert sur la sellette", "L'Europe s'attaque à nos bonnes vieilles boîtes de camembert" ou encore "Pourquoi le camembert risque de perdre sa traditionnelle boîte en bois". Voilà ce que nous pouvions lire dans de nombreux médias hexagonaux au début de la semaine. Un règlement européen portant sur les emballages alimentaires et leur impact environnemental - dont le vote à Bruxelles est fixé à la fin du mois de novembre - est à l'origine de cet engouement médiatique.

Cette actualité - assez anodine - a toutefois suscité de vives réactions, notamment sur les réseaux sociaux, de la part des Français particulièrement attachés aux traditions culinaires de l'Hexagone. "Historiquement, le bois a fait la différence dans le développement du camembert et a pu voyager à travers le monde. Le bois a aussi amené un vrai plus sur la qualité. Le camembert s'affine dans sa boîte jusqu'à la dégustation", expliquait par exemple Patrick Mercier, producteur de camembert bio, à Ouest-France.

Et pourtant, après vérification, l'information s'est avérée... fausse ! Cette "fake news" reprise par des dizaines de médias a rapidement été démentie : "Le texte prévoit que les produits sous indication géographique protégée (IGP) et appellation d'origine contrôlée (AOP) soient exemptés au titre de leur cahier des charges. Et Frédérique Ries, rapporteuse principale du Parlement européen, a souligné, dans son rapport publié en octobre, l'importance de respecter les emballages spécifiques des IGP", précise Sébastien Breton, secrétaire général du Conseil national des appellations d'origine laitières (Cnaol), dans les colonnes du Monde.

Les fromages AOP - parmi lesquels figure le camembert de Normandie - devraient donc bel et bien pouvoir conserver leur fameux emballage en carton. Mais alors qu'est-ce qui est à l'origine de cette fake news ?

Un exemple flagrant de lobbying

Tout a commencé à la fin du mois d'octobre avec l'organisation d'une visite, à Juvigny-les-Vallées, d'un député de la circonscription de la Manche d'une usine de la société Lacroix qui produit des boîtes en bois à usage fromager pour un chiffre d'affaires avoisinant les 20 millions d'euros. "Dans sa version actuelle, le texte (du règlement européen) exige que tous les emballages mis sur le marché soient recyclables d'ici à 2030, obligeant l'industrie à mettre en place une filière de recyclage", déclarait alors l'agence de communication du groupe dans un communiqué. Mais ce dispositif serait très coûteux à instaurer et cela pousserait donc les marques de camemberts à abandonner leur traditionnelle boîte.

Selon une enquête du Monde, ladite agence ne s'occuperait pas réellement de la communication de Lacroix mais plutôt de celle du groupe Lactalis, propriétaire de la marque de camembert Président. Pour ses emballages en bois, cette dernière se fournit d'ailleurs auprès du site implanté à Juvigny-les-Vallées.

Quelles motivations expliqueraient une telle manœuvre ? Certainement le fait que le camembert pasteurisé de la marque Président ne dispose pas de l'appellation AOP, ce qui lui empêcherait de conserver son emballage en bois. C'est ce que prévoit le fameux texte européen. Afin d'éviter une telle situation, quoi de mieux qu'une polémique - envenimée par le relais des médias - encourageant les élus à procéder à un rétropédalage ? C'était plutôt bien tenté...